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unPLuGged
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5 décembre 2005

Des ponts en général

Des ponts en général et de K. Z. en particulier


Lorsqu’un bataillon de militaires traverse à pied un pont, un observateur attentif s’étonnera de voir ceux-ci briser soudainement le rythme de leur marche et offrir sans barguigner le spectacle d’une troupe complètement désordonnée. Perplexe, il se demandera : quel est donc ce spectre invisible qui terrorise ces valeureux guerriers et provoque le chaos dans leurs rangs ? Quel ennemi souterrain assez puissant peut saper ainsi la discipline de n’importe quel corps d’armée dès lors qu’il s’apprête à franchir ce type d’obstacle ? Encore plus inquiétant, quel commandement peut remédier à ce désordre ? 

Ignorant les lois de la mécanique, cet observateur est loin de penser que sous les pas cadencés de nos fantassins oeuvre une arme de destruction massive qu’aucune coalition ne peut vaincre : une solution particulière d’une équation différentielle du deuxième ordre propageant une onde de choc aussi dévastatrice qu’un tsunami.

Ami lecteur et observateur, je n’abuserai pas de ton intelligence pour t’imposer ici un cours sur les oscillateurs. Tu serais en droit de me demander si cela a un quelconque rapport avec le sujet qui nous préoccupe et, à bien y réfléchir, je serais dans un grand embarras pour te répondre.  Mais si, après l’exposé des faits, tu cherches toujours à approfondir les raisons physiques de cet étrange phénomène, je serai heureux de pouvoir étancher ta soif de connaissances ; ma fibre ensaignante, aujourd’hui malmenée par d’incessants rapports disciplinaires, se fera plus tard un plaisir de t’initier aux délices du calcul différentiel.

Quelle relation, te demandes-tu malgré tout, entre ce bavardage qui frise le pédantisme et M. K. Z. ? Faut-il être mécanicien pour comprendre ce qu’a bien pu commettre cet individu ? Ne s’éloigne t-on pas de l’objet du rapport à force d’user de tant de métaphores ? Hélas ! C’est que l’entreprise est difficile et je doute qu’à exposer dans le menu détail les mille et un faits que je lui reproche, tu ne puisses te faire une opinion sur le grand danger qu’il fait causer à sa classe. Car le secret de son génie pervers, ce qui fait que depuis des années il nous embête sans que l’on puisse le coincer, est insoupçonnable, presque indicible. Pourquoi ? Il a compris instinctivement, sans qu’on lui fasse la leçon, qu’en usant de peu d’énergie – pourvue qu’elle soit employée au bon moment, à mauvais escient et à une fréquence précise – il pouvait par petites perturbations successives et agitations quasi imperceptibles, entrer en résonance avec la fréquence propre de la classe et ainsi provoquer de grands bouleversements. A l’image de nos militaires sur le pont, il est la solution particulière qui amène au chaos et à la destruction massive.

Certes, parfois un dérèglement ou un léger écart à la norme permettent de repérer le phénomène. Exemple : son portable sonne dans la classe et ostensiblement il ne peut s’empêcher de répondre en vous ignorant royalement. Du coup, vous l’excluez dès votre premier cours de l’année scolaire. Mais bon prince, encore reposé des récentes vacances scolaires – si enviées du vulgus pecum –, vous avez pitié de son mauvais numéro de mea culpa larmoyant ; vous voulez récompenser la franchise de son air si hypocrite de sorte que vous décidez de le reprendre une semaine plus tard. Vous vous dites alors qu' il a intégré votre norme et connaît désormais la ligne qu’il ne pourra franchir sans que vous montriez les crocs.

Vous vous croyez sauvé et c’est là votre erreur. Vous baissez alors la garde et son instinct perturbateur s’engouffre pour y battre toute sa démesure. Une mécanique implacable s’enclenche illico. Commence la distillation rythmée  comme un métronome de remarques aussi discrètes que provocantes à l’adresse de ses camarades, de larcins de stylos, de règles, de calculettes, d’attouchements inopportuns, à la fréquence si bien ajustée qu’elle engendre un résultat instantané : mouvements d’humeurs stochastiques, agitations browniennes et réactions taurines des élèves visés, sur tous les modes vibratoires. Ce qui vous donne subitement des envies de meurtres sur le gugusse qui râlait tout à l'heure contre vos trop longues vacances. En prime pour cette catastrophe, vous aurez droit gratuitement à son petit rire narquois et satisfait de lui-même. « J’ai pété ton pont », semble-t-il vous dire pour couronner son œuvre.

Alors, tandis que vos aboiements d’impuissance au milieu de la troupe en furie signent in fine sa victoire, faussement modeste il reçoit ceux-ci comme un encouragement à continuer – ad nauseam.

Chapeau l’artiste ! Rideau !

unplugged . Le 05/12/2005, quelque part près d’un pont.


                                                                   

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